Figures francophones et les célébrités de la Roumanie : PANAÏT ISTRATI
Panaït Istrati, militant révolutionnaire roumain d’expression française, est un conteur né qui décrit dans son œuvre une vie difficile, riche, authentique, habitée de chaleur humaine. Il revient toujours au melting-pot violent et bariolé de son enfance, celui des Balkans – qui seront le théâtre de ses récits et celui des Mille et une nuits, son modèle narratif. Ce Gorki balkanique a créé une œuvre forte, libre, humaine, spontanée. Son style vigoureux, sensible, rugueux, vivace, le caractère cursif et oral, la présence d’expressions populaires roumaines dans ses aventures originales et fascinantes tirées du monde des ports danubiens et du sous-prolétariat, en font des œuvres uniques qui contribuent à un renouvellement original du patrimoine littéraire français. Istrati est de ces hommes qu’on ne peut oublier. Chez cet aventurier de la misère, la littérature est espoir et force de vie.
Panaït Istrati, écrivain d’origine roumain, est né le 10 août 1884 d’une mère blanchisseuse roumaine et d’un père épicier contrebandier grec. Il a seulement neuf mois quand son père les abandonne avant de périr dans une opération de contrebande. Il part avec sa mère vivre chez un de ses frères qui s’occupe de l’exploitation familiale. L’enfant y fera l’apprentissage de la misère et de ses conséquences. C’est à l’âge de sept ans qu’il regagne Braïla où sa mère reprend le métier de blanchisseuse.
Il va à l’école de sept à quatorze ans. Bon élève, il se découvre une passion pour la lecture. De 13 à 19 ans, il gagne sa vie comme garçon de magasin, apprenti aux ateliers des docks, peintre en bâtiment pour subvenir aux besoins de sa mère. Dès l’enfance, il sent l’attrait du grand large, des contrées lointaines. Il rencontre Mikhaïl Mikhaïlovici Kazanki, « l’ami unique destiné à tout être humain ».
À vingt ans, miséreux, il arrive à Budapest et prend contact avec le mouvement socialiste. Dès janvier 1905, il reçoit son baptême révolutionnaire en participant à la grande manifestation de solidarité avec la Révolution russe.
De 1906 à 1912, il voyage et vagabonde, seul ou en compagnie de son ami Mikhaïl, en Égypte d’abord puis au Proche-Orient. Il collabore au journal La Roumanie ouvrière, devient secrétaire du Syndicat des dockers de Braïla et organisateur de la grande grève de 1910 avec Jeanette Maltus, une militante socialiste et sa future première femme. Mais, atteint de tuberculose, il est hospitalisé. En 1913, il séjourne quatre mois à Paris chez Georges Ionesco. En 1916, il séjourne à Leysin dans un sanatorium, où il apprend le français avec un dictionnaire.
Les années 1917-1918 sont difficiles. Il traverse les cantons suisses en pratiquant divers métiers pour être encore hospitalisé par la Croix-Rouge américaine au sanatorium Sylvana-sur-Lausanne. Il déprime dans la solitude et la misère, déçu de l’art, de l’amitié (il a perdu celle de son ami Mikhail en 1909)… En 1919, il découvre l’œuvre de Romain Rolland en quatre mois de lectures passionnantes. Mais il apprend la mort de sa mère, et c’est l’effondrement total.
Il quitte la Suisse pour Paris en 1920, descend à Nice. Photographe ambulant sur la Promenade des Anglais, survivant dans une misère atroce et souffrant d’une mauvaise santé, son moral est au plus bas. Il tente de se suicider. On trouve sur lui une longue lettre à Romain Rolland, qui n’était pas parvenue à son destinataire. Quand il en prend enfin connaissance, il trouve dans ce texte la promesse d’un écrivain, un prodigieux conteur comme l’Orient sait en créer. Ainsi encouragé, c’est en français que Panaït Istrati écrit son œuvre, racontant d’abord des histoires de haïdoucs, ces bandits d’honneur qui luttèrent au siècle dernier en Roumanie pour défendre les opprimés et les pauvres. Le succès sera immédiat et ne se démentira plus, plaçant cette figure atypique au cœur des querelles de la gauche de l’époque.
En 1924, il se marie avec Anna Munsch. L’année suivante, il se rend en Roumanie, où il subit de violentes attaques de la presse réactionnaire roumaine. Il est surveillé, harcelé par la Sigourantsa. Arrivé à Paris, il dénonce les atrocités commises en Roumanie dans Paris Soir et le Quotidien. En 1926, il devient membre du comité pour la défense des victimes de la Terreur blanche dans les Balkans et participe au meeting antifasciste « Italie aux fers ». Après de courts séjours à Menton et à Nice, il est hospitalisé au sanatorium Montana-sur-Sierre.
Il prend la parole en 1927 au meeting contre l’exécution de Sacco et Vanzetti (salle Wagram). Le 15 octobre, départ pour Moscou, où il est invité aux fêtes de l’anniversaire de la Révolution d’octobre. Puis, il est accueilli avec enthousiasme à Athènes en 1928, où il tient une conférence et un meeting, mais il subit les attaques de la presse gouvernementale grecque pour ses visites aux détenus politiques et aux malades dans les hôpitaux. C’en est trop ! Il est inculpé pour « discorde sociale et agitation communiste » et sommé de quitter la Grèce. Il se retire à Kifissia, puis retourne en Russie où il rencontre Maxime Gorki. En 1929, à Paris, marqué par son séjour en Russie, il écrit Vers l’autre flamme, un livre très critique envers le régime soviétique. Puis il se rend en Roumanie. Son enquête sur le massacre des mineurs à Lupeni et ses huit reportages publiés dans le quotidien Lupta (la lutte) où il dénonce le gouvernement roumain lui apportent de violentes attaques des milieux réactionnaires. Il quitte Bucarest pour Paris.
Départ pour l’Égypte en 1930. Refoulé d’Alexandrie, emprisonné à Trieste, libéré grâce à l’intervention du consul français, il arrive à Paris et découvre une campagne dans la presse de la gauche française qui l’accuse de trahison. De là naît un désaccord profond avec Romain Rolland qui interrompt la correspondance jusqu’en 1934. Istrati quitte l’Occident, retourne à Braïla, subit des tracasseries de la part des autorités roumaines. Malade, ayant de grosses difficultés matérielles, il dérive… En janvier 1931, une manifestation fasciste contre le « communiste Panait Istrati » déclenche une bagarre de rue.
En avril 1932, Istrati a l’espoir de refaire encore sa vie. Il se marie avec Margareta Izesco et il s’installe l’année suivante à Bucarest. Istrati collabore en 1934 à la presse roumaine, quotidienne et littéraire, et reprend la correspondance avec Romain Rolland. Les éditions roumaines Rieder, en faillite en 1935, cessent le paiement de ses droits d’auteur. Il gagne alors son pain comme lecteur de manuscrits pour une maison d’édition populaire. Malade, abandonné, Istrati meurt à Bucarest le 16 avril 1935 avant l’effondrement de l’Europe dans le cauchemar nazi. Il est enterré sans service religieux au cimetière Bellu de Bucarest.
1957, marquera le début de la réédition de son œuvre en Roumanie, après 15 ans d’interdiction.
Bibliogaphie :
1924 : Kyra Kyralina, Oncle Anghel 1925-26 : Les Haïdoucs I-II, Codine, Passé et Avenir 1927 : La Famille Perlmutter, Le Refrain de la fosse, Nerantsoula 1928 : Les Chardons du Bàràgan, Mes départs 1929 : Vers l’autre flamme, Confession pour vaincus 1930 : Pour avoir aimé la terre 1931 : Tsatsa Minka 1933 : La Maison Thuringer, Le Bureau de placement, L’Homme qui n’adhère à rien 1934-35 : Méditerranée |